L’assurance vie et la loi Sapin 2

Dans le fourre-tout qu'est la « loi sur la transparence de la vie financière et de modernisation de l'économie », dite loi Sapin 2, un article est venu faire planer un doute sérieux sur l'une des caractéristique essentielles de l'assurance vie : sa liquidité immédiate.

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L'article 21bis de la loi Sapin 2

La consigne avait été donnée par Bercy et la Banque de France aux assureurs vie de baisser le rendement de leurs fonds en euros. Pas suffisamment suivie d'effet au gré du gouvernement, celui-ci a fait adopter par les députés un amendement à l'article 21bis de la loi « Sapin 2 ».

Voté en catimini pendant l'euro de foot, cet amendement instaure une disposition inquiétante pour les détenteurs de contrat d'assurance vie.

En effet, il donne au Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) le pouvoir de notamment « suspendre, retarder ou limiter temporairement, pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat, la faculté d'arbitrage ou le versement d'avance ».

Une remise en cause de la liquidité immédiate

Les conséquences concrètes de cette disposition sont claires : du jour au lendemain, sur demande du gouverneur de la Banque de France, le HCSF pourra vous interdire de procéder à toutes les opérations qui vous sont contractuellement réservées.

En bref, rachat partiel ou total, avance, et arbitrage de vos avoirs à l'intérieur même du contrat vous seraient interdits. Vos avoirs seraient gelés pour une « période de 6 mois renouvelable » (7°d du texte). Le texte ne dit pas combien de fois, ni pendant quelle durée maximum ; sans doute le temps nécessaire pour laisser passer la crise qui menacerait les assureurs, afin d'en éviter la faillite…

Ces dispositions sont destinées à prévenir et enrayer les conséquences d'un phénomène de contagion qui pourrait s'emparer des investisseurs en cas de crise financière grave :

« afin de préserver la stabilité du système financier ou prévenir les risques menaçant gravement la situation financière des organismes d'assurance ou d'une partie significative d'entre eux. »

Ce qui risquerait fort de se produire si les taux d'intérêt subissaient une forte variation à la baisse ou une remontée trop brutale.

Pourquoi une telle mesure ?

En clair, cette mesure vise à protéger les assureurs, et notamment en cas de panique des investisseurs qui viendraient en masse racheter leurs contrats en euros, épisode auquel les assureurs seraient bien incapables de faire face.

En effet, les engagements d'un assureur (versement des rentes, remboursement des capitaux lors du rachat des contrats, versement du capital en cas de décès) doivent être à 100% couverts par ses dépôts et fonds propres. (A l'inverse des banques, les assureurs ne peuvent pas compter sur un effet de levier).

Pour faire face à ses engagements, l'assureur comptait jusque-là sur son portefeuille obligataire.

Mais dans le contexte actuel de baisse des taux et de taux négatifs, ce portefeuille lui rapporte beaucoup moins et il est mathématiquement démontré que si son portefeuille lui rapporte moins que le rendement qu'il sert au titre des contrats signés avec ses assurés, la situation ne pourra pas durer longtemps sans mettre l'assureur en danger.

Une atteinte au droit du contrat et au droit de propriété ?

C'est du moins ce que pensent diverses associations d'épargnants qui ont porté l'affaire devant le Conseil constitutionnel.

En attente de la décision des Sages, il convient néanmoins d'anticiper les conséquences possibles de la confirmation de ce texte dans son état actuel.

La mort annoncée de fonds en euros ?

Sans être aussi pessimiste, il convient néanmoins de recenser les facteurs dont le cumul n’incite pas à l'optimisme :

  • un encadrement des taux de rendements ;
  • une liquidité menacée ;
  • un transfert envisagé par décret des plus-values latentes provisionnées sur les fonds en euros au profit du nouveau contrat euro-croissance.

Autant de mesures qui ne plaident pas en faveur d'un futur sans nuage pour les fonds en euros.