Assurance vie : les Français jouent le jeu des placements plus risqués

On le sait, les Français sont traditionnellement peu enclins à aller vers des placements risqués et la recherche de la sécurité les a majoritairement guidés depuis longtemps vers les livrets à taux garanti et les fonds en euros. Ces deux types de produits leur permettant, jusqu’à peu, un rendement acceptable et une totale liquidité.

L’analyse de la collecte du mois de janvier fait ressortir une nette progression des dépôts sur des contrats multi supports en unités de compte puisque près de 25 % des fonds collectés par l’assurance vie sur le premier mois de 2017 ont été investis sur ces supports, alors que sur le même mois de 2016, ce taux s’élevait seulement à 20 %. Soit une hausse du quart en un an, qui tendrait à démontrer que les Français sont semble-t-il décidés à prendre plus de risque dans leurs placements.

Zoom sur ce phénomène qu’il convient d’analyser pour tenter de l’expliquer.

La conjonction de divers éléments

Cette modification est la résultante de plusieurs facteurs.

Une baisse régulière du rendement des fonds en euros

Depuis la communication des rendements 2016 (1,80 % en moyenne avec des taux les plus bas autour de 1,10-1,15%), nombre d’épargnants ont fini par admettre qu’il était nécessaire d’introduire une part de risque dans leur contrat.

Une pression des banquiers et assureurs

Les Français ont été aidés en cela, depuis de nombreux mois, par les conseillers bancaires et les intermédiaires en assurances, qui souvent n’ont de cesse d’inciter leurs clients à introduire une part de risque dans leur placement pour en améliorer le rendement.

C’est ainsi qu’utilisant les dispositions de l’amendement Fourgous, des souscripteurs transformaient leur contrat mono support en multi support, et que la souscription des contrats en unités de compte avait progressé passant de 13 % en 2013 à 20 % en 2016.

Si la raison invoquée par les réseaux auprès de la clientèle était la baisse des taux, la motivation première des assureurs était d’éviter d’avoir à investir les fonds confiés sur des obligations au taux ridiculement bas.

Une incitation des assureurs par majoration du taux

Pour décider leurs clients à franchir le pas et à investir une partie des fonds confiés sur les unités de compte, certains assureurs s’engagent contractuellement à majorer le taux de rémunération du fonds en euros en fonction de la part de capital investi sur les U.C (au moins 25 %). La majoration des taux semble avoir porté ses fruits puisque, l’exemple d’AXA le prouve, chez qui les résultats 2016 font ressortir une part de souscription d’U.C. supérieure à 35 %.

Un plafonnement des dépôts sur les fonds en euros en l’absence de souscription d’unités de compte

Un certain nombre d’assureurs ont mis en place de nouvelles règles plafonnant les dépôts sur les fonds en euros ou en conditionnant l’acceptation à la souscription d’unité de compte. Certains sont même allés plus loin en refusant désormais l’ouverture de contrats mono support ou en fermant leur contrat en euros (MACSF).

Une hausse des frais de versement sur les fonds en euros

L’objectif étant de pénaliser le souscripteur ou l’assuré qui engage des capitaux sur les seuls fonds en euros (frais d’entrée multipliés par 3 chez MACSF).

Un marché boursier bien orienté

Les marchés profitant d’une nette embellie depuis la fin de l’année, le rallye haussier persistant encore malgré les facteurs d’inquiétude (élection américaine, Brexit, hausse des taux US,…). Mais s’agissant de la bourse, il convient de rappeler qu’avant la crise de 2007, les fonds investis sur des unités de compte représentaient 25 % de la collecte. Dix ans après, nous voilà donc revenus au niveau de 2007.

À retenir :
La conjonction de tous ces facteurs est à l’origine du changement constaté en ce début d’année.
Il est cependant un peu tôt pour conclure à un changement radical de l’attitude des Français, d’autant que la progression constatée n’est pas également répartie entre les réseaux. Les assureurs semblant avoir pris de l’avance sur les réseaux bancaires dont la clientèle aux moyens plus limités est plus difficile à convaincre d’accepter une possibilité de perte.
Attendons donc encore quelques mois pour voir si le phénomène va perdurer et en tirer des conclusions sur un changement des Français face au risque.