Donation entre époux ou donation au dernier vivant : protéger son conjoint

La donation entre époux – ou aussi appelées « donation au dernier vivant » est l’acte traditionnellement le plus connu pour protéger son conjoint. En effet, elle permet d’augmenter les droits de l’époux survivant dans la succession et offre de nombreuses possibilités. Elle peut être imaginée dans toute situation et quel que soit le régime matrimonial (même en cas de séparation de biens) et offre de réels avantages (même lorsqu’il n’y a pas d’enfant). Zoom sur les caractéristiques essentielles de la donation entre époux.

donation entre époux

Principes de la donation entre époux

La spécificité de la donation au dernier vivant réside dans le fait que ces effets ne sont pas immédiats mais différés jusqu’au décès du conjoint co-donateur.

L’autre particularité est qu’elle porte aussi bien sur les biens présents qu’à venir. En outre, elle est révocable à tout moment et sans motif par l’un ou l’autre des époux dès lors où cette donation est faite en dehors du contrat de mariage. Ce caractère révocable des donations entre époux consenties pendant le mariage est une disposition d’ordre publique à laquelle les époux ne peuvent déroger même s’ils y consentent mutuellement.

Attention :
Le concubin ou le partenaire de PACS ne sont pas « conjoint », sous entendu « conjoint mariés survivant ». Ainsi ce type de donation ne les concerne donc pas.
La donation au dernier survivant sert essentiellement à pallier la faiblesse des droits dévolus au conjoint survivant par la loi dans le cadre d’une succession où le défunt n’aurait pas laissé de testament (ab intestat).

Pour illustrer nos dires, il suffit de rappeler qu’en présence de descendants de l’époux prédécédé le conjoint survivant n’hérite que du quart de la succession en usufruit et ce seulement sur la masse des biens ayant demeuré dans le patrimoine du défunt à l’ouverture de la succession (voir le tableau ci dessous). Cela signifie que le conjoint survivant n’aura droit à rien sur les libéralités consenties par le défunt (dons ou legs) car il n’est pas héritier réservataire.

Le défunt laisse son conjoint et :

Sans donation entre époux

Avec une donation entre époux

Un enfant commun

1/4 en toute propriété ou la totalité en usufruit

1/2 en propriété ou 1/4 en propriété et 3/4 en usufruit

Deux enfants communs

1/3 en propriété ou 1/4 en propriété et 3/4 en usufruit

Trois enfants communs

1/4 en propriété et 3/4 en usufruit

Père et mère

1/2 en propriété

La totalité des biens de la succession (sauf droit de retour)

Père ou mère

3/4 en propriété

Un enfant d'un précédent mariage

1/4 en propriété

1/2 en propriété ou 1/4 en propriété et 3/4 en usufruit ou la totalité en usufruit

Deux enfants d'un précédent mariage

1/4 en propriété

1/3 en propriété ou 1/4 en propriété et 3/4 en usufruit ou la totalité en usufruit

Trois enfants d'un précédent mariage

1/4 en propriété

1/4 en propriété et 3/4 en usufruit ou
la totalité en usufruit

Frères et sœurs

La totalité des biens successoraux (sauf droit de retour) à l'exception de la moitié des biens reçus
par donation ou par héritage


La totalité des biens de la succession

Neveux et nièces

La totalité des biens de la succession

Une forme de donation entre époux, qui n’est possible que par contrat de mariage, est celle de la donation cumulative de biens présents et à venir. Cette donation est assortie d’un droit d’option offert au gratifié (le bénéficiaire de la donation) au moment du décès du disposant (le donateur) et qui permet au gratifié de choisir entre la donation de biens présents et la donation de biens à venir.

Pendant sa vie, le donateur demeure propriétaire des biens donnés et, à son décès, le donataire exerce son droit d’option, soit en faveur des biens à venir (il sera alors propriétaire de tout ou partie des biens laissés par le donateur à son décès), soit en faveur des biens présents (il est alors propriétaire des biens qui ont été mentionnés dans l’acte de donation précédemment dressé).

Son option sera bien sûr déterminée en fonction de son intérêt, suivant la valeur des uns et des autres biens.

Quels types de donations ?

Chaque donation peut ne pas être similaire. En effet, chaque époux a l’entière liberté de disposer de ses biens conformément aux lois. Les intérêts de chaque époux peuvent être divergents.

Ainsi, l’un des époux peut consentir une donation en usufruit portant sur ses biens, alors que l’autre consentira une donation en pleine propriété. Des biens peuvent être désignés ou expressément écartés. En ce qui concerne l’habitation principale, des règles particulières s’appliquent afin de protéger le conjoint.

La donation entre époux doit obligatoirement être faite par acte notarié comme pour une donation ordinaire et la donation-partage. Le plus souvent ce sont deux actes que le notaire va recevoir le même jour. Pour engager chaque donateur, chaque conjoint doit accepter la donation que l’autre lui a consentie.

Aussi, les époux ont aussi la possibilité de se faire donation mutuelle et réciproque par le même acte. C’est très souvent le cas de la donation au dernier vivant. Chacun des époux lègue alors à son conjoint la totalité du patrimoine commun en cas de décès.

Exemple :
M. X décède avant son épouse, celle-ci héritera ; si, au contraire, c’est Mme X qui décède avant son époux, M. X héritera. Chacun prend donc les mêmes dispositions vis-à-vis de l’autre.

Quel est le coût d’une donation au dernier vivant ?

La donation entre époux lors de son établissement coûte environ 160 €. Lors de l’ouverture de la succession, la mise en œuvre de la donation permet au notaire de prendre des honoraires.

Sauf objection d’un des donateurs, la donation entre époux est inscrite au Fichier Central des dispositions de dernières volontés. Cout de l’opération ; environ 30 € TTC.

Au décès de l'époux donateur, un coût de 125 euros doit être prévu afin que le notaire enregistre la donation.

Révocabilité de la donation entre époux

La donation au dernier vivant est révocable à tout moment. Il ne s’agit pas d’un acte conjoint signé par les deux époux, mais de deux actes notariés distincts, établis au nom de chacun des époux, qui déclare consentir au profit de l’autre la donation.

Donc l’époux donateur pourra à tout moment revenir sur son acte de donation et demander la restitution du bien donné même si le bien donné à l’autre époux pendant le mariage se trouve être entre les mains d’un tiers (par exemple chez un créancier de l’époux donataire).

Exemple :
M. X vient d’acheter un tableau de maître qu’il offre à son épouse. Un peu plus tard, M. X doit faire face à une grosse dépense imprévue. Il décide de revendre le tableau dans le but de se procurer rapidement des liquidités. Son acte signifie assez clairement que la donation est annulée, sans qu’il y ait besoin d’une formulation plus explicite.

La révocation peut être dissimulée à l’autre époux

Rien n’interdit au mari ou la femme de retourner chez le notaire pour révoquer les dispositions prises en faveur de son conjoint. Sans même l’en avertir. Tenu au secret professionnel ne pourra jamais prévenir le conjoint victime de cette révocation réalisée à son détriment.

Le conjoint écarté de la donation n’a donc aucun moyen de connaître cette révocation, qui demeurera tacite. C’est seulement au jour de  la succession que le conjoint survivant découvrira la « démission» de l’autre.

Le caractère « secret » de la révocation est l’un des principaux inconvénients de la donation au dernier vivant.

Parfois, le conjoint n’assume pas son geste et ne révoque pas expressément la donation consentie. Il utilise le testament pour aboutir au même résultat. Il suffit en effet d’indiquer une formule comme « Ceci est mon testament. Il révoque toutes les dis positions antérieures », pour que la donation au dernier vivant soit annulée. Il ne reste alors au conjoint survivant que ses yeux pour pleurer sur la confiance trahie.

D’après les notaires, les révocations secrètes entre époux sont assez rares, surtout par un seul, une certaine morale poussant celui qui veut révoquer la donation à en informer l’autre. Certes, mais cela reste une possibilité qu’il convient de ne pas négliger en cas de doutes.

Les avantages et des limites de la donation entre époux

Parmi les avantages, on notera plusieurs choses :

  • Amélioration du sort du conjoint survivant dans la succession.
  • Faible coût de rédaction (pas de droit de donation à la conclusion de l’acte puisque le montant et le jour de la transmission effective sont indéterminés).
  • Le conjoint survivant aura le choix entre plusieurs options pour appréhender la succession du défunt. Il pourra opter pour des solutions lui conférant des droits soit en pleine propriété soit en usufruit soit les deux en fonction de la nature des héritiers légaux qui seront en concours avec lui.
  • Aucun droit de succession à payer pour le conjoint bénéficiaire .
  • Plus sûre puisque rédigée par un notaire.

Les inconvénients :

  • Révocable à tout moment par le conjoint donateur soit de façon expresse soit de façon tacite/secrète (disposition des biens par donation ou par testament à d’autres héritiers dans le cas où le conjoint n’est pas réservataire).
  • Les effets sont différés au décès.
  • Peut léser les descendants et/ou créer des conflits.

Donation au dernier vivant ou testament ?

Par rapport au testament, vous pouvez vous demander si la donation entre époux présente des avantages, l’un et l’autre de ces actes ne prenant effet qu’au décès de celui qui l’a consenti. Ainsi, de son vivant, le conjoint ne se dépouille de rien et ne modifie pas son train de vie.

La donation au dernier vivant est toutefois plus sûre en ce qu’elle est rédigée avec l’aide d’un notaire, permettant ainsi d’éviter des erreurs de rédaction. Comme évoqué plus haut, le coût de son établissement est faible, environ 160 €. Conservée par le notaire, elle ne peut pas être perdue ou volée.

Le testament ne présente pas cette sécurité, sauf si vous le rédigez avec l’aide d’un spécialiste. Normalement, le notaire ne vous demandera pas d’honoraires sans votre accord préalable, et ce pour une consultation délicate. Vous pouvez déposer le testament chez ce notaire en lui demandant d’en faire mention au fichier central des dispositions de dernières volontés, dont la consultation est obligatoire en cas de décès.

La donation au dernier vivant est révocable à tout moment. Même par un testament. Le testament peut aussi être modifié et révoqué par un autre testament ou par un acte reçu par un notaire.

Trois points important à retenir sur la donation

  • La donation entre époux offre les mêmes possibilités et produit les mêmes effets qu'un testament. Mais, si l'objectif recherché est uniquement la protection du conjoint, la donation au dernier vivant est à privilégier, car elle est obligatoirement consentie devant un notaire et enregistrée au Fichier central des dispositions de dernières volontés.
  • Sauf lorsqu'elle est consentie par contrat de mariage, la donation au dernier vivant peut être révoquée à tout moment, par l'un ou l'autre des conjoints donateurs.
  • La possibilité existe même lorsque les époux se sont consenti des donations réciproques. Celui qui révoque la donation n'est pas obligé d'en informer son conjoint. De même, un notaire qui a connaissance de la révocation ne peut pas en informer le conjoint « lésé », car il est tenu au secret professionnel.
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10 commentaires à Donation entre époux ou donation au dernier vivant : protéger son conjoint

  • Le conjoint survivant à une donation entre époux n’acquitte aucun droit de succession. Les enfants légitimes des époux ou d’un premier lit doivent-ils en acquitter au moment du décès de l’époux donateur ?
    Quelle est la répartition des biens laissés par le donateur ?
    L’époux survivant est-il propriétaire de la totalité des biens obtenus par donation ?
    Merci de vos précisions.
    Cordialement.
    Francis DUPUIS

  • Nous avons fait une donation au dernier vivant entre époux qui précise que nous aurons l’usufruit en cas de décès de l’un ou l autre ; mais si au décès de l’un, l’ autre peut-il vendre les biens sachant que nous avons un enfant en commun ; si cela n’est pas possible, que devons ns faire ?
    Merci de votre réponse !

    • Bonjour,

      Votre question est trop imprécise pour pouvoir lui apporter réponse. En effet, il faudrait avoir d’autres précisions ( régime matrimonial, origine de propriété des biens immobiliers, etc.).

      Nous ne pouvons que vous conseiller de vous rapprocher de votre notaire qui lui est en possession de tous les éléments pour pouvoir vous apporter une réponse fiable et vous aider à résoudre votre problème.
      Cdt

  • En cas de donation entre époux avec décès de l’un des époux et 1 enfant commun + 3 enfants d’un mariage précédent du défunt. Si le conjoint survivant choisi l’option de prendre les biens en pleine propriété cela veut dire (si je comprends bien) que les 4 enfants n’auront rien à la succession ?
    Mais en cas de décès ensuite de ce conjoint, la succession de ce dernier sera donc versée en intégralité à l’enfant commun et par conséquent les 3 enfants du premier conjoint seront lésés ? Pouvez-vous me le confirmer ?
    Cdt

    • Bonjour,

      Non, rassurez-vous, ce n’est pas ce que prévoit la loi.

      Reprenons la situation que vous évoquez dans le détail et en vertu des dispositions légales en vigueur qui ont été instaurées pour éviter les conflits.

      1er point : Le Code civil prévoit que les enfants sont des héritiers réservataires, c’est-à-dire qu’ une part légale de la succession leur revient de droit.

      2e point : En présence d’enfants nés d’un premier lit, le deuxième conjoint survivant ne se verra attribuer qu’un quart des biens en pleine propriété. Les enfants du défunt se partageront eux les trois quarts en parts égales.

      3e point : Lorsqu’une donation entre époux est venue contrarier la mise en oeuvre des deux règles exposées ci-dessus, les enfants issus du premier mariage qui se sentiront lésés, pourront utiliser la voie de recours qui leur est ménagée par l’article 1527 du code civil : l’action en retranchement.
      Grâce à cette action, les enfants non issus du défunt et de son conjoint survivant peuvent obtenir que les avantages matrimoniaux que les époux se sont consentis soit limités à la part maximale prévue par l’article 1094-1 du code civil.

      A noter que cette action n’est pas possible pour les enfants qui auraient été adoptés par leur beau-père ou belle-mère.

      Pour avoir plus de précision sur le cas particulier que vous exposez, nous vous conseillons de consulter un notaire.

      Cdt

  • Bonjour,
    Ma mère est décédé depuis un an déjà, elle était remarier sous le régime de la communauté universelle avec donation aux dernier vivant ! Ma sœur et moi issue d’un premier lit !
    La situation est conflictuel avec mon  » beau père » ! Nous voudrions savoir si l action en retranchement est possible et ce qu’il en est de la réserve ! Mandater le notaire est-il suffisant ou faut il saisir la justice ?
    Merci de votre réponse

    • Bonjour,
      Dans un premier temps, dirigez-vous vers un notaire qui saura vous indiquer la marche à suivre. Et si oui ou non, il convient de saisir la justice.
      Cdt

  • Bonjour à vous, mon amie s’est marié en 2008 et à fait un contrat de mariage au dernier survivant, elle est décédé en 2013 et elle m’a fait un testament ou elle me lègue tous ses bien, je ne suis pas son marie mais son ami intime, qu’elles valeurs à le testament. je précise que nous vivions ensemble depuis 2011.

    PS, le marie était en maison de retraite, handicaper, est décédé en 2019.

  • Mon mari est décédé. Il avait fait une donation au dernier vivant, mais je ne retrouve pas cet acte qui a été fait chez un notaire, comment allons nous justifier cet acte ?

    • Vous rendre directement chez le notaire en question ?

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