Les assurances vie sont saisissables

Alors que le Code des assurances et une jurisprudence constante interdisaient toute saisie des sommes détenues sur une assurance sur la vie, une loi du 6 décembre 2013 (loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière) est venue remettre en cause l’insaisissabilité des assurances vie dans certains cas.

La fin de l'insaisissabilité par le fisc

Auparavant, le contrat d'assurance vie était le seul placement à l'abri d'une saisie par tous les créanciers, y compris le fisc. Cela était dû à la nature juridique de l'assurance vie, qui par le biais de la clause bénéficiaire, a valeur de stipulation pour autrui.

  • L'article L.132-14 stipulant : «  le capital ou la rente garantis (…) ne peuvent être réclamés par les créanciers du contractant » ;
  • l'article L.132-9 précise que la stipulation devient irrévocable lors de l'acceptation par le bénéficiaire ;
  • l'article L.132-12 du Code des assurances affirmant lui que le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire ou à ses héritiers, ne font pas partie de sa succession).

La saisie de la valeur de rachat assurance vie en cours de contrat n'était pas davantage possible, car cela entraînerait la révocation indirecte de la désignation du bénéficiaire mentionné au contrat, ce qui formellement interdit. De plus, le droit au rachat est considéré comme appartenant personnellement au seul souscripteur.

Une jurisprudence constante de la Cour de cassation confirmait que le créancier du souscripteur ne peut se faire attribuer le capital ou la rente que le souscripteur n'est pas en mesure de récupérer tant que le contrat n'est pas dénoué et que l'assurance vie est intouchable ( arrêt C.Cassation, 1re chambre civile, du 2 juillet 2002, pourvoi 99-14 819 par lequel les juges affirmaient que l'assurance vie est une créance « éventuelle » donc insaisissable).

Mais aujourd'hui, c'est fini.

La saisie en cas de condamnation pénale autorisée

La loi 2010-768 du 9 juillet 2010 est venue dans un premier temps introduire un nouvel article (n° 706-155) du code de procédure pénale qui a autorisé la confiscation d'une assurance vie dès lors où l'argent placé provient d’une infraction pénale.

Cette procédure de confiscation a été confirmée par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans une affaire célèbre d'abus de faiblesse en confirmant la possibilité de « geler » les capitaux et dans une affaire d'escroquerie dans laquelle les magistrats de la Haute cour ont confirmé l'application de l'article L. 131-21 du Code pénal autorisant la confiscation des fonds en rejetant la théorie selon laquelle «  la nature du contrat d'assurance vie ...empêchait qu'il puisse être considéré comme étant inclus dans les espèces ».

Les conséquences de la loi du 6 décembre 2013

Ce texte par son article 22, est venu confirmer et préciser de façon claire ce que la loi de 2010 et la jurisprudence qui en a découlé, avaient déjà commencé à énoncer.

Cet article prévoit que la condamnation définitive par une juridiction pénale, à la peine de confiscation, entraîne d'office la résolution judiciaire du contrat et le transfert des fonds à hauteur de la créance. Cela devient le nouvel article L.160-9 du Code des assurances.

Bercy justifie cette résolution judiciaire du contrat par le fait qu'elle remette l'ensemble des acteurs dans la situation antérieure à la constitution d'un contrat dont l'origine est frauduleuse.

Cela entraîne de facto pour les bénéficiaires du contrat qui en auraient déjà accepté le bénéfice (situation qui a pour effet de rendre impossible le rachat par le souscripteur), par l'effet rétroactif de la résolution judiciaire, la privation définitive du bénéfice du contrat.

L'article 41 de la loi du 6 décembre 2013 permet désormais au Trésor public d'utiliser les procédures simplifiées de saisie pour récupérer des fonds investis sur des contrats d'assurance vie.

En effet, le nouvel article L. 263-0 A du Livre des procédures fiscales (LPF) qui en découle, autorise les « saisies à tiers détenteurs » pour toutes les dettes d'impôts, les « oppositions à tiers détenteurs » pour les créances locales, et les « oppositions administratives » (pour les amendes), adressées aux compagnies d'assurance en France.

À savoir :
  • Les contrats détenus à l'étranger par des Français résidents fiscalement dans notre pays, n'échappent pas au principe, car si l’État ne peut rien imposer aux assureurs étrangers n'opérant pas en France, le contribuable est tenu de déclarer avec ses revenus les contrats détenus et les mouvements intervenus (versements et retraits). Et ce, que les fonds soient placés sur des fonds en euro ou en unités de compte.

N'oublions pas que le fisc dispose depuis le 1er janvier 2016 d'un outil de tout premier ordre pour aller débusquer les contrats saisissables des fraudeurs : le fichier FICOVIE.

Une fin partielle du principe « d'insaisissabilité »

En l'état actuel de la législation, la fin de l'insaisissabilité n'est valable pour une seule catégorie de contrat : les contrats « rachetables » seulement.

En effet, demeurent protégés et insaisissables les contrats collectifs de retraite d'entreprise de type « article 83 », dénouables uniquement à la retraite professionnelle par le versement d'une rente, mais aussi les contrats de types « Madelin » des indépendants et les PERP.

Jusqu'à quand ? Difficile de le dire quand on voit l'aggravation des mesures prises pour lutter contre l'évasion fiscale, la fraude fiscale et le blanchiment d'argent…

Une « chasse gardée » de l’État

Cette réforme a été faite à l'avantage exclusif de Bercy qui s'est bien donné garde d'ouvrir la possibilité de saisie aux bénéfices des créanciers privés ou aux autres créanciers publics...

8 commentaires à Les assurances vie sont saisissables

  • Intéressant, mais le contrat est entre le client et la banque.
    Pourquoi dans le cas de modification des règles du contrat la banque n’informe t-elle pas les clients ?
    Quand cette réclamation est consécutive a une erreur du fisc qui procède à un redressement 6 ans après le paiement du contrat d’assurances vie et que l’argent a naturellement été dépensé ?

    A vous lire
    Merci

  • Ma mère est en maison de retraite est n’ a plus de capitaux pour la payer .
    Il lui reste juste une assurance vie , est elle saisissable ?

    • En théorie, l’assurance vie est insaisissable aux termes des articles L.132-12, 13 et 14 du code des assurances.
      (Quelques rares exceptions existent cependant au profit du fisc notamment).
      Cdt

    • En fait vous expliquez que l’assurance vie avec option de rachat est seule saisissable mais uniquement par le fisc. Je souhaite faire un placement relativement important, mais suite à des problèmes de sociétés gérance, j’ai quelques créanciers qui persistent. Banque uniquement ou un jugement a été prononcé en 1999. Depuis je paye avec accord mais il en este encore pour plus de 100.000 €. Ce placement que je souhaite faire est à la suite d’un héritage. Je n’ai aucun problème avec le fisc.
      Merci de votre réponse.
      Bien cordialement.

    • Bonjour,

      Nous n’avons pas bien saisi l’objet de votre demande.

      Si, comme nous croyons le percevoir, vous nous demandez confirmation du principe énoncé dans l’article, en l’état actuel de la législation et sauf modification récente qui nous aurait échappée , le contrat n’est pas saisissable excepté par le fisc.

      Néanmoins, pour plus de sécurité, nous vous conseillons de consulter votre avocat pour examiner avec lui le placement envisagé dans le contexte particulier du jugement prononcé à votre encontre.

      Cdt

    • Bonjour, Je suis désolée, je n’ai pas la réponse mais j’ai la même interrogation que vous. J ai un oncle que je dois placer en maison d’assistance et il n’a rien d autre qu’un contrat d’assurance-vie.
      Avez-vous eu des réponses que vous pourriez me communiquer. Et qu’avez vous expérimenté depuis juin 2017 ? Vous ont-ils saisi l’assurance vie de votre mère ?

      Cordialement

  • Bonsoir,
    Ma cohéritière a détourné les biens de mon père (recel) décédé en 2015. Je l’ai assignée et la procédure de succession judiciaire est en cours. Mais je n’ai pas déposé de plainte et ce n’est pas un tribunal pénal. Si elle est condamnée à me verser l’importante somme détournée, je crains fort qu’elle n’ait déjà pris la précaution d’organiser son insolvabilité. Elle vit très confortablement d’une minuscule pension d’invalidité qu’on ne pourra pas saisir. Mais je sais qu’elle a reçu une grosse indemnisation suite à un accident, en plus des sommes captées du vivant de mon père. Si elle a placé tout cet argent en assurance-vie (elle n’a pas d’enfants) peut-on saisir celle-ci pour me rendre ce qu’elle me doit à la suite du jugement ?
    Merci pour votre réponse
    Cordialement

    • Bonjour,
      Veuillez vous reporter à la réponse donnée à Mr Delacroix juste au dessus.
      Cdt.

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