La donation déguisée

Bien que vous n’en connaissiez pas forcement les tenants et aboutissants, il est probable vous ayez déjà entendu parler de la donation déguisée. Définition, explications, risques et cas concret de la donation déguisée.

Homme Mettant Masque Representant La Donation Deguisee

Donation déguisée : Définition

La donation déguisée est celle qui emprunte fictivement l’apparence d’un acte à titre onéreux (vente, bail, reconnaissance de dette, etc.) représenté par une contrepartie versée ou due par le donataire (par exemple, donation d’un bien déguisé en vente). La vente cache donc une donation : il y a volonté de dissimuler l’acte libéral par un acte onéreux.

Donations déguisée : explications, validité et invalidité

La frontière entre donation et donation déguisée peut paraître floue... Reste que les parties prenantes, donateur et donataire, s’y trompent rarement ; finalement c’est leur bonne foi qui peut être mise en cause.

Le contexte général des successions, les régimes matrimoniaux et les libéralités présentées, il convient de voir, dans un but pratique, les formalités inhérentes à toute succession.

> Comment ça se passe ?

La donation déguisée concerne le plus fréquemment une personne tierce n’apparaissant pas dans l’acte. À cet égard, il doit y avoir, préalablement, un accord entre le donateur et l’apparent donataire, accord qui restera confidentiel et secret, au moins aux yeux des autres héritiers légaux.

Ce type de donation a généralement pour but d’échapper aux droits de mutation à titre gratuit qui sont plus élevés que les droits de mutation à titre onéreux.

Par exemple, pour la vente d’un bien immobilier d’habitation, les droits de mutation sont d’environ 8 % alors que dans une transmission à titre gratuit (surtout entre non parents ou parents éloignés) ils sont bien plus élevés.

Oui, l’objet évident de la donation déguisée est l’évasion fiscale ! L’imagination des parents soucieux d’avantager l’un de leurs enfants au détriment des autres ou du fisc est sans limite. L’astuce la plus courue consiste à consentir un (soi-disant) prêt financier à l’enfant qui, bien évidemment, n’est jamais remboursé. Bien souvent, c’est grâce au fisc que les autres héritiers découvrent ce qui est en réalité une donation. C’est pour toutes ces mauvaises raisons que nous ne pouvons que la proscrire, même si c’est à l’administration fiscale de démontrer que le vendeur a délibérément cherché à gratifier l’acheteur.

> Conditions de validité de la donation déguisée

Pour être valable aux yeux de la loi, la donation déguisée doit respecter deux règles de bases importantes :

  • Les modalités de forme de l’acte de duquel elle emprunte l’apparence : établissement d’un contrat veillant à respecter les principes de bonnes mœurs et l’ordre public.
  • Les modalités de fondement de la donation : consentement et capacité (1).

Admise elle aussi par le code civil, elle peut être qualifiée de frauduleuse si son but exclusif est de réduire la charge fiscale. Si la preuve est apportée que la donation déguisée a été faite exclusivement pour éluder le paiement des droits de mutation à titre gratuit alors les parties sont passibles de lourdes amendes.

À savoir :
La donation déguisée entre époux est parfaitement valable depuis la loi du 1er janvier 2005.

> Invalidité de la donation déguisée

La donation déguisée peut être frappée de nullité s’il elle a pour but de dissimuler un avantage successoral.

Si elle est effectuée en ce sens, le donateur et le donataire peuvent encourir de sévères sanctions financières (sanctions, amendes…).

Sont alors frappées de nullité et passibles de sanctions fiscales, les donations déguisées :

  • Au profit d’une personne voulant cacher l’existence de cette donation au jour de la succession ;
  • Entre concubins
  • Au profit d’une personne incapable (majeur sous tutelle, mineurs ….).

En effet, ce type de donation, pour être valable, ne doit évidemment pas concerner, in fine, une personne frappée d’incapacité de recevoir, comme par exemple le majeur placé en tutelle, ou bien le mineur par exemple. Car, si tel était le cas, non seulement la donation serait frappée de nullité, mais encore y aurait-il application d’une sanction fiscale qui doublerait le montant des droits perçus par l’administration de l’enregistrement.

Bon à savoir :
L’octroi de prêts financiers, généralement d’un parent à un enfant (prêt de famille), jamais remboursés, constitue également une forme de donation déguisée. Là encore, prudence en la matière ! S’il est bien légitime de vouloir aider un enfant, par exemple en lui prêtant de l’argent, il convient de respecter un certain formalisme tant au niveau du contrat de prêt lui-même (conditions de taux et tableau d’amortissement) que de la réalité des flux (paiement des mensualités).

Les risques encourus avec ce type de donation

Lorsque l’administration fiscale a des doutes sur le caractère véritable d’un acte de vente par exemple, elle va établir des présomptions qui, si elles sont vérifiées, sont susceptibles de la conduire à engager une procédure de redressement.

Ces présomptions reposent sur des données de fait ; si ces dernières corroborent les soupçons de l’administration alors le risque de requalification est grand.

Ces données de fait sur lesquelles s’appuient l’administration pour conforter son opinion sur un acte qui juridiquement se présente comme onéreux mais qui de fait dissimule une donation sont entre autres :

  • Le lien de parenté ou d’affection qui unissent le vendeur et l’acquéreur (donateur et bénéficiaire) ;
  • la situation financière du vendeur (avait-il besoin de vendre ?) et, son état de santé (était-il malade ?) ;
  • L’âge avancé du “donateur” ;
  • Les ressources du “donataire” et du “donateur” ;
  • L’intervalle de temps entre l’acte suspect et le décès du “donateur” ;
  • Le paiement hors la comptabilité du notaire si l’acte est une vente ;
  • Le paiement en espèces ;
  • La sous-estimation du prix du bien objet de l’acte onéreux, etc.

Si les soupçons de l’administration se trouvent vérifiés et que la vente requalifiée en donation, alors elle est légalement habilitée à entamer une procédure visant à sanctionner la dissimulation de la donation sous couvert d’acte onéreux : les droits de mutation à titre gratuit, et non à titre onéreux, seront exigés.

La procédure concernée est celle de la répression des abus de droit :

« Ne peuvent être opposés à l’administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d’un contrat ou d’une convention à l’aide de clauses (...) L’administration est en droit de restituer son véritable caractère à l’opération litigieuse.» Voir : Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 23 juin 2015, 13-19.486, Publié au bulletin.

À noter :
Certaines donations dissimulées empruntent le cadre de l’assurance-vie. Il suffit en effet que le bénéficiaire ne soit pas le souscripteur du contrat pour avoir affaire à une donation indirecte. Le souscripteur paie les primes à la compagnie d’assurance qui reversera au bénéficiaire un capital ou une rente. La co-adhésion, c’est-à-dire que la coexistence de deux souscripteurs qui sont aussi les assurés d’un contrat d’assurance-vie et pour lesquels le décès de l’un n’entraîne pas la fin du contrat, l’autre étant de fait le bénéficiaire du contrat, peut aussi être assimilée à une donation déguisée.

> Conséquences

Si la fraude est établie, la donation n’est pas annulée et le transfert de propriété reste valable. Cependant, le montant de la donation est ajouté au montant de la succession au jour du décès du donateur : les parts des différents héritiers seront donc recalculées conséquemment à ce nouveau solde. Le donataire (ou réservataire) peut de ce fait être obligé d’indemniser à hauteur les héritiers réservataires n’ayant pas reçu leur part minimale d’héritage (réserve héréditaire).

D’un point de vue fiscal, dès lors que la donation déguisée a été établie et prouvée, l’État exerce les droits de mutation à titre gratuit, assortis d’une pénalité de retard pouvant aller de 40% à 80% si la manœuvre frauduleuse est démontrée.

> Cas concret de donation déguisée

Exemple :
Par acte notarié, une maman octogénaire consent à son fils une ouverture de crédit de 1 200 000 € et lui verse effectivement 750 000 € en cinq ans. L’importance des sommes a fini par attirer l‘attention de l’administration fiscale qui décide de requalifier le prêt en donation et réclame au fils bénéficiaire des versements le paiement des droits de donation. Le donataire conteste et argumente qu’il s’agit d’un vrai prêt puisqu’il a été réalisé par acte notarié, il porte l’affaire en justice. A l’appui de sa décision, le fisc relève de nombreux indices qui montrent qu’il s’agit d’une donation déguisée : lien de parenté entre le prêteur et l’emprunteur; aucun intérêt prévu, aucune garantie de recouvrement, aucune poursuite diligentée envers le fils qui n’a rien remboursé. La cour administrative d’appel de Nîmes (12 septembre 2013) reconnaît la pertinence des arguments de l’administration fiscale et valide les redressements fiscaux.

Comme on peut le voir, le risque lié à la donation déguisée est énorme et nous n’irons pas plus loin dans les remarques concernant ce mode de transmission.

Sur le même sujet :