L’indivision est une étape transitoire pendant laquelle les droits des héritiers ne portent pas sur des biens déterminés faisant partie de la succession, mais sur une fraction de celle-ci. C’est un passage obligé dans toute succession, dès lors où il y a plus d’un seul héritier.
Héritage : l’indivision
Une situation transitoire et provisoire
L'indivision naît automatiquement dès le décès et ne prendra fin qu'à la liquidation de la succession intervenant par le partage, parfois plusieurs années plus tard. C'est le régime de l'indivision « légale » ou « successorale » ou encore « héréditaire » qui s'instaure. Les cohéritiers deviennent alors des « indivisaires ».
L'indivision n'a pas vocation à durer. En règle générale, les héritiers s'ils s'entendent bien, arrivent rapidement à y mettre fin par un partage équitable des biens composant la succession. Mais malheureusement, ce n'est pas toujours le cas en raison du désaccord des indivisaires.
Le fonctionnement de l'indivision légale
L'indivision obéit à un certain nombre de règles, regroupées dans les articles 815 et suivant du Code civil.
Ces règles ont pour but d'organiser la gestion de l'indivision en permettant à la fois, la sauvegarde des biens la composant et leur utilisation.
Chaque cohéritier indivisaire se voit accorder un droit de cogestion du patrimoine successoral.
De ce fait, la gestion des biens indivis n'était pas simple puisqu'elle exigeait pour tout acte l'unanimité des indivisaires.
La loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 est venue simplifier cela en modifiant les règles.
C'est ainsi que depuis le 1er janvier 2007, sont désormais distingués 3 types de décisions :
- Les actes conservatoires : peuvent être décidés par un seul indivisaire ; ce sont toutes les dépenses engagées dans le but d'assurer la bonne conservation du bien en indivision.
- Les actes de gestion : ils nécessitent la majorité des 2/3 des parts de l'indivision (celle-ci peut être détenue entre les mains d'un seul indivisaire).
Cette majorité est suffisante pour :
- effectuer un acte d’administration ou d'exploitation normale des biens ;
- conclure ou renouveler un bail d'habitation ou professionnel (à l'exclusion des baux ruraux, commerciaux, artisanaux ou industriels qui exigent l'unanimité des indivisaires) ;
- vendre des biens meubles indivis pour payer des dettes ou charges de la succession ;
- donner un mandat général d'administration à un indivisaire ou à un tiers ;
- les actes de disposition : l'unanimité reste la règle pour ces actes permettant la vente de biens (non justifiée par le règlement de dettes de l'indivision) ou la conclusion ou le renouvellement de baux de location pour les biens agricoles, commerciaux, artisanaux ou industriels ;
Chaque héritier peut utiliser les biens de l'indivision
Ceci à trois conditions :
- l'accord des autres indivisaires ; (sinon solliciter l'autorisation du juge du tribunal de grande instance ;
- l'indivisaire doit respecter la destination du bien (exemple : il peut utiliser un appartement non loué pour habiter, mais par pour y exercer une activité professionnelle) ;
- l'obligation d'indemniser les autres indivisaires si ceux-ci le demandent ; à défaut d'accord sur le montant de l'indemnité ou si plusieurs indivisaires veulent utiliser le bien, il faut saisir le président du TGI qui tranchera.
Chaque cohéritier peut demander une avance
Cette avance lui sera consentie sur ses droits.
Si désaccord des autres indivisaires, demande à formuler auprès du président du TGI.
Les revenus produits par l'indivision
Ils tombent dans la masse commune et deviennent indivis à leur tour. C'est le cas des dividendes, loyers, fermages, etc.
Mais les héritiers peuvent demander à toucher ces revenus chaque année. Dans ce cas, les sommes perçues seront déduites de la part de chaque indivisaire ayant utilisé cette faculté, au jour de la liquidation.
La cession de part indivise
Un indivisaire peut céder sa part indivise, soit à titre onéreux (dans le cas d'une vente), soit à titre gratuit dans le cas d'un legs ou d'une donation).
En cas de vente, le vendeur doit aviser les autres indivisaires qui bénéficient d'un droit de préemption et peuvent se porter acquéreurs, soit à titre individuel, soit ensemble.
Cette information se fait par acte d'huissier et doit comporter les conditions de la vente et le prix. Une procédure doit être respectée quant aux délais de réponse et de ratification de la vente si le droit de préemption est utilisé.
Les deux types d'indivision
L'indivision légale
- Elle n'est pas choisie et s'impose aux cohéritiers de par la loi.
- Cette forme d'indivision héréditaire est subie et n'organise rien quant à la disposition des biens jusqu'au partage.
- Elle est très précaire puisque chaque indivisaire peut y faire mettre fin en invoquant l'article 815 du Code civil qui stipule :
« Nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être invoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement (ou convention) ».
L'indivision conventionnelle
- Ce régime, institué par la loi du 31 décembre 1976 a pris effet le 1er juillet 1977, pour permettre d'échapper aux inconvénients du régime légal et à son instabilité, sources de conflits familiaux.
- Pour échapper aux dispositions de l'indivision légale, les cohéritiers qui veulent demeurer en indivision peuvent opter pour la mise en place d'une convention d'indivision.
- Organisée, elle est instaurée par une convention écrite, signée par l'ensemble de tous les indivisaires, et établie devant notaire.
- Elle va leur permettre d'organiser le fonctionnement de l'indivision en en fixant les règles, de façon à rendre plus souple la gestion des biens indivis.
- La convention peut être signée pour une durée déterminée (maximum de 5 ans mais renouvelable)) qui les lie en principe (sauf cas d'un mineur devenu majeur qui dispose d'un délai d'un an pour demander le partage) ou indéterminée (chacun pouvant demander à en sortir à tout moment).
- Elle comportera une partie précisant les droits des différents indivisaires et les conditions dans lesquelles ils peuvent utiliser les biens indivis.
- La gestion de cette indivision peut être faite en commun ou confiée à un gérant nommé par les indivisaires et choisi parmi eux ou non, pour les représenter dans tous les actes courants (y compris devant la Justice).
- Le gérant doit rendre des comptes de sa gestion aux indivisaires au moins une fois l'an.
- Sauf convention contraire, les décisions excédant son mandat continueront à être prises à l'unanimité.
- Comme dans le régime légal, le gérant est rémunéré pour son travail, mais ses fautes de gestion pourront engager sa responsabilité.
La fin de l'indivision : le partage
Il existe 4 façons de sortir de l'indivision :
- la sortie individuelle : l'indivisaire vend ou donne sa part de l'indivision. (cf. formalités plus-haut).
- La sortie collective : tous les héritiers sont d'accord pour sortir de l'indivision par la vente du ou des biens indivis dont ils vont se partager le prix en fonction de la quote-part revenant à chacun.
- Le partage des biens indivis : sauf convention d'indivision, il est possible de le demander à tout moment et pour chacun des indivisaires
- Le partage amiable : La répartition des biens qui composent la succession se fera entre toutes les personnes composant l'indivision et au prorata de leur part respective.
Des lots seront composés après négociation entre les indivisaires, qui regrouperont des biens qui, au final devront avoir une valeur égale. Si l'égalité parfaite n'est pas possible, la loi prévoit le versement d'une soulte par ceux qui auraient été avantagés, au bénéfice de ceux qui auraient été défavorisés par le partage.
Le partage judiciaire :
Faute de pouvoir arriver à un accord amiable, le partage judiciaire devient inévitable.
Mais saisir la Justice pour obtenir le partage par voie judiciaire est une solution à éviter, car c'est une procédure longue et très coûteuse. Il faudra saisir le TGI du lieu d'ouverture de la succession. Si les héritiers, malgré le temps et la réflexion ne parviennent pas à saisir la solution amiable que leur préconise la Justice, celle-ci procédera à la nomination d'un notaire, chargé d'estimer les biens et de composer avec le concours des indivisaires, des lots numérotés qu'il attribuera par tirage au sort.
Si les indivisaires ne parviennent pas à s’entendre pour composer les lots, le notaire rendra au tribunal un procès-verbal de carence. Le juge nommera alors un expert chargé de composer les lots et qui les attribuera par tirage au sort.
Enfin, si cette procédure n'est pas acceptée par l'ensemble des indivisaires et que le partage en nature se révèle impossible, les biens seront vendus aux enchères publiques lors d'une vente judiciaire et les sommes issues de la vente seront partagées entre les héritiers, au prorata de leur quote-part de droits.
Si l'on compte les frais de justice, les honoraires des avocats des indivisaires (celui qui introduit l'action étant représenté comme demandeur, les autres comme défenseurs, cela nécessite donc au mois deux avocats), les honoraires du notaire, ceux de l'expert, les frais d'organisation de la vente (commissaire-priseur, huissier, etc.), les résultats de la vente n'atteignant en général pas des sommes très élevées, la part attribuée à chacun sera grevée d'une participation aux frais qui sera importante.
Des exceptions :
Afin de protéger les intérêts de certaines personnes (conjoint survivant, héritier qui tirait ses revenus de l'entreprise du défunt, etc.), la loi a instauré en faveur de ces personnes, « l'attribution préférentielle ».
Il s'agit de donner à la personne concernée (par exemple le conjoint par rapport à son logement), la priorité d'accès à l'un des biens compris dans la succession.
Bien entendu, si la valeur de ce bien dépasse la part dévolue à l'héritier favorisé par cette disposition, celui-ci devra désintéresser les autres héritiers par le versement d'une « soulte » en argent, correspondant au surplus de valeur du bien attribué par rapport à celle globale de sa part.
Les biens permettant cet accès prioritaire sont déterminés par la loi (logement, entreprise, exploitation agricole, droit au bail, etc.), ainsi que les héritiers qui peuvent prétendre à l'attribution prioritaire d'un ou des biens en question.
Les effets du partage
Après le partage, chacun devient propriétaire exclusif de ce qui lui a été attribué lors de la liquidation de l'indivision.
L'effet du partage est rétroactif et l'indivisaire est réputé propriétaire de son lot depuis le premier jour de l'indivision.
Il n'est pas obligatoire d'établir un acte de partage. Cependant, si l'indivision comporte un bien immobilier, il en sera systématiquement établi un par le notaire qui réalisera également les formalités de publicité foncière et établira les attestations de propriété.
Pour ce concerne les biens meubles spécifiques (voitures automobiles, parts de sociétés, portefeuille de titres, etc.), il conviendra de procéder à la mutation au nom des nouveaux propriétaires.