Don manuel : une vraie source de conflits familiaux au décès !

Donner de l’argent à ses enfants s’effectue souvent sans formalisme. Si cela ne pose pas de problème au départ, c’est souvent une autre histoire lors de la succession. Explications.

main enfant et adulte qui tienne une tirelire - concept de don
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Le don manuel, qu’est-ce que c’est ?

Éliminons tout de suite les cadeaux, appelés « présents d'usage » qui ne présentent pas de difficultés particulières pour nous préoccuper du don manuel qui porte sur une somme d'argent. Il s'agit de la remise d'espèces, d'un chèque ou d'un transfert de compte à compte. Le don manuel est soumis aux règles des donations du Code civil, dont il est l'une des deux modalités, l'autre étant la donation par acte notarié.

Bon à savoir :
La nuance entre un don et le « présent d'usage » n'est pas toujours évidente. Le second, non taxé et non rapportable à la succession, doit être justifié par un événement précis et raisonnable au vu des moyens du bienfaiteur.

Déclaration fiscale

Fiscalement, le don manuel doit être déclaré à l'administration fiscale. L'article 790 A bis du Code général des impôts vient de créer un nouvel abattement de 100 000 € pour les donations de sommes d'argent à des descendants, ou à défaut de descendants à des neveux et nièces. Cet avantage fonctionne lorsque le bénéficiaire reprend une entreprise, réalise des travaux d'économie d'énergie sur sa résidence principale ou fait construire sa résidence principale.

Cette affectation des sommes données rend encore plus nécessaire la réalisation d'un acte notarié.

Difficultés liées aux dons manuels

La preuve du don : chaque enfant a reçu la même somme par chèque, il y a plus de dix ans. Certains l'ont déclaré et d'autres pas. Au décès du donateur, en cas de mésentente, certains devront en tenir compte dans la succession et d'autres pas.

La qualité du donateur : pour donner des fonds de communauté, il faut l'accord des deux époux à peine de risquer l'annulation de la donation. Or dans une famille recomposée, le second conjoint doit donner son accord mais sans prendre la qualité de donateur, sinon, une part de la donation serait taxée à 60 %. Comment prouver cet accord du conjoint, s'il n'y a pas d'écrit ? En outre dans les rapports entre époux, lors du décès ou d'un divorce, il doit être tenu compte des sommes de la communauté pris par un époux pour avantager ses enfants.

Le divorce du donataire (celui a reçu le don), son décès ou celui de son conjoint. Les parents d'un conjoint ont fait, il y a plus de dix ans, un virement de 100 000 € sur le compte joint de leur enfant. C'était à l'époque où ce dernier achetait avec son conjoint une maison au nom de la communauté et sans déclaration de l'origine des fonds.

Quelques années plus tard, l'enfant qui a reçu la donation divorce. Il doit alors prouver qu'il a bien reçu personnellement la donation et qu'il a employé les fonds dans l'achat de la maison pour que la plus-value lui revienne à proportion de son apport.

Au contraire, son conjoint a intérêt à démontrer que la donation a été faite au couple.

La règle du rapport successoral

Sauf clause contraire (mais il n'y a pas de clause dans un don manuel), il faudra tenir compte des donations faites par un défunt. De plus, si ces sommes ont été investies pour financer différents projets, il faudra retracer l'utilisation de ces fonds.

Exemple :
Un père qui donne 100 000 € à chacun de ses trois enfants : Armand, Bruno et Clément. Armand souscrit des parts de société, au décès du père, les parts de la société valent 300 000 €. Bruno construit sa résidence principale, au décès du père, elle vaut 200 000 €. Clément fait des travaux de rénovation énergétique qui n'ont donné qu'une plus-value de 50 000 € à sa résidence principale, au décès de son père. Il devra être tenu compte de ces plus-values dans la succession du père, de sorte qu'Armand et Bruno prendront moins dans la succession de leur père, et Clément sera censé n'avoir reçu que 50 000 €.

Pour éviter ce résultat, il faut établir devant notaire un acte de donation-partage, ce qui a pour effet de bloquer la valeur de la somme donnée (ou des biens donnés s'il s'agit d'immeuble par exemple), afin que chaque enfant soit réputé avoir reçu 100 000 €, égalitairement. On voit bien que le don manuel est à manier avec la plus grande précaution.

Bien distinguer cadeaux et dons manuels

Le Code civil et l'administration fiscale font une distinction entre les dons et les « présents d'usage » c'est-à-dire les cadeaux. La nuance entre les deux n'est pas toujours évidente. Pour qu'il y ait présent d'usage, deux exigences sont requises.

D'une part, le cadeau doit être justifié par un événement précis : Noël, anniversaire, mariage, réussite à un examen et d'autre part, sa valeur doit être raisonnable au regard des ressources ou du patrimoine de celui qui l'accorde (sans qu'il existe pour autant de critère préétabli de proportionnalité). Si ces deux conditions sont réunies, alors vos cadeaux ne seront pas pris en compte lors de votre succession et ne seront soumis à aucune taxation.