La donation entraîne un dépouillement immédiat et irrévocable du donateur, le bien devenant définitivement la propriété du donataire. Mais ce dernier doit en rendre compte à la succession du donateur.
Héritage et succession : le rapport de la donation
Le rapport est un mécanisme qui a pour vocation d'assurer l'égalité entre les héritiers lorsqu'il y en a plusieurs. Il oblige celui qui a reçu un bien du défunt par donation à en ajouter la valeur à la masse des biens à partager. C'est une opération purement comptable qui ne remet pas en cause la propriété du bien donné.
Une règle équitable
Le rapport est dû par un héritier à ses cohéritiers, même à ceux qui n'existaient pas encore au jour de la donation (par exemple, un enfant né ou adopté après).
La valeur à retenir est celle du bien donné au jour du partage de la succession, mais dans son état au jour de la donation.
La règle est équitable : elle neutralise les modifications et améliorations apportées au bien par le gratifié pour retenir la valeur que le bien aurait eu s'il était resté la propriété du défunt.
Sa mise en œuvre est parfois compliquée. Si, pour un bien immobilier, il est assez facile de déterminer avec précision quelles sont les améliorations apportées, c'est beaucoup plus difficile pour une entreprise ou une société. Quelle est la part du développement de l'activité qui procède du travail personnel du gratifié, et celle qui résulte du contexte économique ?
De même, lorsque le bien donné est une somme d'argent, il faut pouvoir en démontrer l'utilisation pour retenir, en principe, la valeur du bien acheté au moyen de cet argent.
Pour arrêter les comptes
Le donateur voulait assurer l'égalité au moment de la donation, peu importe l'utilisation que chacun des gratifiés ferait des biens donnés. Il a ainsi opté pour une donation-partage. Comme son nom l'indique, cet acte, nécessairement notarié, réalise à la fois une donation et un partage anticipé de succession.
L'égalité entre les lots s'apprécie alors au jour de la donation-partage, et aucun rapport n'est dû lors de la succession du donateur.
Liberté sous réserve
Le rapport peut être aménagé dans l'acte de donation. Le donateur peut ainsi prévoir qu'il soit de la valeur du bien donné au jour de la donation. Plus radicalement,le donateur peut dispenser le gratifié de tout rapport.
La donation est alors dite « hors part successorale » et vient s'ajouter aux droits du gratifié dans la succession du donateur. L'inégalité créée par une telle donation est toutefois limitée par la réserve héréditaire.
Le donateur ne peut en effet disposer que de la « quotité disponible » ; le reste constitue la réserve héréditaire, et elle est protégée. En cas d'atteinte à cette réserve, les donations peuvent faire l'objet d'une réduction dont le montant sera ajouté aux biens à partager.
Rétablir l'équilibre
La réduction de la donation sanctionne un dépassement de la quotité disponible, dont l'étendue varie selon la situation familiale du défunt.
Ce dernier ne peut donner que la moitié de ses biens s'il a un enfant ; le tiers, s'il en a deux ; le quart, s'il en a trois ou plus. Si, à défaut de descendants, il laisse un conjoint survivant, il ne peut donner plus des trois quarts de son patrimoine.
L'indemnisation des héritiers
La réduction de la donation n'est jamais automatique, elle doit être demandée par les héritiers réservataires. Elle est, pour eux, un droit d'ordre public dont ils ne sauraient être privés. Si les héritiers l'exercent, le gratifié devra les indemniser de la différence entre la valeur du bien transmis et celle de la quotité disponible.
Hypothèse d'une renonciation
Depuis la réforme de juin 2006, ce risque peut être écarté grâce à la renonciation anticipée à l' action en réduction (RAAR).
Cet acte doit être établi par deux notaires qui reçoivent le renonçant seul et l'informent des conséquences de sa renonciation. Juridiquement, la RAAR conforte les droits du gratifié. Les héritiers réservataires, ou certains d'entre eux seulement, s'engagent, avant même l'ouverture de la succession, à ne pas agir en réduction contre les libéralités qui porteraient atteinte à leur part de réserve.
Naturellement, il n'est pas question de leur faire consentir une renonciation de manière systématique ni de leur demander d'abandonner leurs droits à l'aveugle. Ils doivent a minima être informés de l'identité du bénéficiaire des libéralités concernées et, si possible, de l'objet de ces libéralités.
C'est là un intérêt psychologique à ne pas négliger. Si elle est bien présentée, la RAAR permet d'associer les héritiers à la libéralité que leur auteur envisage de consentir à certains de ses héritiers (par exemple pour avantager un enfant handicapé) ou de son conjoint. Le règlement de la succession s’en trouvera très certainement pacifié.