Succession : action en réduction

Le défunt peut avoir fait, de son vivant, des donations ou des legs à ses enfants ou à des personnes de son choix. Dans ce cas, les héritiers réservataires, donc les enfants ou les petits-enfants, ou leurs ayants droit, peuvent estimer que ces libéralités empiètent sur la part qui leur est reconnue par la loi. S’ils l’estiment nécessaire, ils peuvent entamer, devant les tribunaux, une action en réduction, qui leur permettra de rentrer dans leurs droits. Nos explications.

Action En Reduction Illustration

Qui peut intenter cette action ?

Cette action en réduction n'est pas ouverte à tous les héritiers. Seuls les héritiers réservataires, ou leurs ayants droit, peuvent engager cette action. Il faut rappeler que ces héritiers ont droit à une part de la succession, dite aussi réservataire, dont le montant dépend du nombre d'enfants qu'avait le défunt.

Celui-ci ne peut disposer librement que de ce qu'il reste, après déduction des parts réservataires. Cette partie de son patrimoine, dont il peut disposer à sa guise, s'appelle la quotité disponible.

Attention :
Seul un héritier réservataire ayant accepté la succession peut intenter une action en réduction.

En principe, elle doit être accomplie dans un certain délai :

  • Il est de 5 ans à partir du jour de l'ouverture de la succession.
  • Et de 2 ans à compter du moment où les héritiers réservataires se rendent compte que, d'après eux, la succession, telle qu'elle est présentée, les prive de leurs droits.

Mais un arrêt de la Cour de Cassation du 10 janvier 2018 a un peu changé la donne. Il précise que :

Ce délai peut courir dès que la demande est faite, par les héritiers réservataires, de procéder à la liquidation et au partage de la succession (Cass 1re civ 10 janvier 2018 n16-27.894).

Cette décision (Cass 1re civ 10 janvier 2018 n16-27-894) a donc assoupli le formalisme entourant ce délai de prescription, ce qui ne peut que renforcer les droits des héritiers réservataires.

Action de réduction en succession : comment calculer le patrimoine ?

Action en réduction de succession et reconstitution du patrimoine

Une action en réduction peut être engagée à la suite de la reconstitution du patrimoine du défunt. Cette reconstitution, qui peut se faire au moyen d'un inventaire de ses biens, est nécessaire pour préciser l'ampleur des parts héréditaires et le montant de la quotité disponible.

Mais les héritiers concernés peuvent estimer que le patrimoine, tel qu'il est reconstitué, lèse leurs droits. En effet, il peut leur sembler que ce patrimoine est incomplet et que, en l'état, il ne respecte pas les parts réservataires auxquelles ils ont droit.

C'est pour cela que, dans le cadre d'une action en réduction, on procède à la reconstitution fictive du patrimoine du défunt. Elle permet d'apprécier à la fois:

  • Le patrimoine au jour du décès : Il comprend l'ensemble des biens du défunt, une fois déduites d'éventuelles nettes. Il s'agit de ce que les notaires appellent l'"actif successoral".
  • Le montant des donations : La personne dont s'ouvre la succession a pu faire, de son vivant, des donations à des personnes de son choix. Il peut s'agir, par exemple, d'une avance sur l'héritage.
À noter :
Le partage entre les héritiers peut être annulé dans quelques cas très précis. Une mauvaise évaluation des biens constituant le patrimoine à partager est l'un d'eux (Cass com 28 février 2018 n16-27-591).

Quelques exemples d'actions en réduction

Pour bien comprendre l'intérêt, ou non, d'intenter une action en réduction, le mieux est de prendre un exemple concret :

Exemple :
Le patrimoine de M. Martin s'élève, le jour de son décès, à 2000 euros. Il a 2 enfants : donc la quotité disponible est d'1/3 du patrimoine. Par ailleurs, il a fait, de son vivant, une donation d'une valeur de 500 euros. Sur la base de ces informations, on peut tirer les conclusions suivantes :

  • Le patrimoine de M. Martin s'élève donc à 2.500 euros (2.000 euros représentant la valeur de ses biens le jour de son décès + 500 euros de donation).
  • La quotité disponible étant de 833 euros, la donation de 500 euros n'empiète donc pas sur la réserve héréditaire.

Il n'y a donc pas lieu, dans ce cas, d'entreprendre une action en réduction de cette donation.

Non-respect de la réserve héréditaire : la réduction des donations

Actions en réduction : différentes selon le type de donation

L'action n'est pas la même selon le type de donation consentie par le défunt. Il peut s'agir d'une donation en avance sur héritage, prise sur la part réservataire. Les personnes ayant reçu cette libéralité sont donc des héritiers réservataires, dont la part dans la succession sera moindre. Elle est en principe amputée des sommes qu'ils ont reçues de la part du défunt.

Ce qui permet de rétablir l'équilibre avec les autres héritiers réservataires. On dit alors que la donation est rapportable. Ce rapport successoral, comme on l'appelle, ne joue que si les héritiers ont pu profiter des donations.

Ainsi, si l'un héritier réservataire a donné cette somme à l'un de ses enfants, elle ne sera pas rapportée au moment de la succession de son père. En effet, il n'en a pas bénéficié lui-même (Cass 1re civ 6 mars 2019 n18-13.236).

À noter :
La donation en avance sur héritage (ou en avancement de part successorale) est prise sur la quotité disponible quand la part de réserve héréditaire est épuisée.

Par ailleurs, il est possible de faire, de son vivant, une donation hors part successorale à l'un de ses enfants. Cette somme doit être imputée sur la quotité disponible de la future succession. C'est donc une manière d'avantager l'un de ses héritiers.

Encore faut-il, cependant, que, par l'effet de cette donation, la part réservataire des autres enfants soit respectée. Si ce n'est pas le cas, une action en réduction peut être engagée.

Pour autant, tout l'argent donné aux enfants ne constitue pas pour autant une donation. Ainsi, les sommes versées à un enfant mineur par l'un de ses parents, au titre de l'obligation alimentaire, ne sont pas considérées comme une donation. Elles n'ont donc pas à être rapportées à la succession (Cass 1e civ 15 novembre 2017 n 16-26.395).

Par ailleurs, une personne peut faire bénéficier ses enfants d'une donation partage. Elle consiste à partager ses biens de son vivant. Si cette donation ne peut être contestée du vivant du donateur, elle peut faire l'objet, dans les 5 ans qui suivent le décès du donateur, d'une action en réduction, si les héritiers réservataires s'estiment lésés.

Les donations ou les legs consentis à des héritiers non réservataires sont bien sûr imputés sur la quotité disponible.

Quelques exemples d'actions en réduction

Prenons, là encore, un exemple concret :

Exemple :
M. Martin a, le jour de son décès, un patrimoine de 3.200 euros. Il a 3 enfants : Paul, Pierre et Jacques. Son patrimoine est composé de : 400 euros ( qui représentent ses biens) + 800 euros (il s'agit d'une donation en avance de succession pour Paul) + 2.000 euros (2 donations hors part successorale de 1.000 euros pour Pierre et Jacques). Ce qui fait un total de 3.200 euros.

  • La quotité disponible (1/4, car il y a 3 enfants) est de 800 euros et les parts réservataires (1/4 chacune) sont aussi de 800 euros.
  • La donation consentie à Paul ne dépassant pas la quotité disponible, rien n'est rapporté à la succession.
  • Par contre, les donations consenties à Pierre et Jacques dépassent cette quotité disponible de 200 euros. Ils conservent la donation, mais doivent chacun une indemnité de réduction de 200 euros.
Bon à savoir :
Cette indemnité de réduction peut donc être demandée par un héritier réservataire, s'il estime que les libéralités consenties à un autre héritier, par donation ou testament, dépassent la quotité disponible et portent atteinte à la réserve héréditaire.

Dépassement de la quotité disponible : l'ordre de réduction des libéralités

On l'a vu, si le défunt a consenti des libéralités qui excèdent la quotité disponible, les héritiers réservataires, ou leurs ayants droit, peuvent intenter une action en réduction.

Ces libéralités sont de plusieurs sortes : le défunt a pu consentir, de son vivant, nous l'avons vu, diverses sortes de donations, mais il a pu aussi faire des legs par testament.

Il existe une différence essentielle entre ces deux formes de libéralités :

  • en effet, la donation permet au bénéficiaire de profiter immédiatement de ce qui lui est donné.
  • alors que, pour pouvoir jouir de son legs, le légataire doit attendre le décès de la personne qui le lui a transmis.

D'ailleurs, les legs sont ordinairement transmis par testament. Si une action en réduction est intentée, et que le défunt a fait des donations et des legs à ses héritiers, quel est l'ordre de réduction de ces libéralités ?

Autrement dit, quelles seront les premières libéralités concernées par l'action en réduction ? Une telle action s'applique d'abord aux legs, puis aux donations. Concernant ces dernières, la réduction concernera d'abord les plus récentes, pour remonter ensuite aux plus anciennes.